Direction mauvaise herbe

J'attends que l'eau de ma tisane frémisse. Je l'imagine toute chantante et bouillonnante quand je la verserai sur le sachet javellisé de mes herbes au goût de synthèse. Je me dis qu'un jour, j'aurai un jardin avec plein de vraies herbes sauvages et pas sauvages. Des herbes médicinales et aromatiques, un jardin de senteur. Ha ça sera bien. Vous vous rendez compte que je mets toute une énergie à penser m'offrir un petit bout de terre cultivable pour mes vieux jours. Je suis née sur terre et je n'ai même pas ce privilège naturel de faire pousser ma nourriture dans la terre. En fait, je me dis que c'est la merde de naitre sans terre dans ce monde où tout est à tout le monde donc à personne. La grosse merde. Je suis une putain d'esclave obligée de trimer pour bouffer de la merde en barre, étalée dans des rayons propres et lumineux. Pas facile quand on a un foutu rêve d'autarcie totale dans le corps !
C'est vrai quoi ! J'ai du mal à vivre dans une société qui n'a aucune valeur à mes yeux et qui donc n'existe pas. Je vis dans une illusion, un rêve ou un cauchemar, rien à quoi s'accrocher vraiment, rien de vraiment entrainant, rien de vrai. Je trouve ce monde tellement peu intelligent que je me force à jouer la comédie. J'ai pas envie de suivre la névrose et le suicide collectif de mes congénères. je ne sais plus quand j'ai pris conscience de ça. Je ne sais plus quand je me suis arrêtée sur le bord de la route et que j'ai bifurqué dans des allées épineuses. Mais j'ai compris une chose, c'est qu'il n y a ni fin, ni début. Que tout tourne, perpétuellement, tout se transforme mais rien ne se perd. J'imagine un monde autre, je me dirige vers un autre rêve. Des fois, je me dis que si nous mettions nos rêves bout à bout, peut être que...